L'Être à mon corps

Cher corps, cher ami :

Je suis désolé, tellement désolé, je n’avais compris le sens de tes réactions et de mes pulsions, le sens de tes messages, le sens de ma vie, mon état de survie.
Je te vois et je vois aujourd’hui. Je comprends tellement tu as souffert et tellement j’ai fui. Je t’ai fui, je t’ai négligé, je t’ai abusé à l’image de ce que ce monde de violence t’a fait vivre. Je comprends et je mesure aujourd’hui que mes actions étaient destinées à essayer de vivre, à survivre.

Survivre oui car fœtus déjà les médecins, le monde voulait potentiellement ma mort, maman souffrait, elle m’a protégé de l’avortement, malheureusement au moment de la naissance tu as eu de nouveau terriblement peur car elle-même a prononcer ces mots : « sortez-le de là qu’on en finisse » Tu as cru que c’est de toi qu’elle/ils voulaient en finir. Je mesure à quel point tu as dû nous protéger de ce monde qui pouvait nous « éliminer». Les médecins et même ma propre mère qui ne savait pas comment me rassurer me secouais parfois ; a eu envie de me jeter par la fenêtre parfois, elle-même qui était en profonde détresse, impuissante face à moi qui pleurait toutes les nuits jusqu'à l'âge de 3 ans, et mon propre père qui a été bien trop souvent d’une grande violence sur toi qui ne pouvait pas te défendre… Tu pleurais car tu sentais leur impuissance et leur détresse, tu vivais la violence de leur être dans ton corps, tu ressentais des présences invisibles autour de toi que les autres ne voyaient pas car tu avais conscience de ce que les autres ignoraient ou avaient oubliés, et même choisis d’oublier parfois.

Je mesure combien tu as souffert de ne pas pouvoir goûter l’Amour et la sécurité autour de toi, souvenir de l’au-delà , souvenir de l’absolu d’où nous sommes. Dès le début de cette incarnation tu t’es senti en grand danger, tu as senti que tu te perdais, que tu t’oubliais. Tu m’as appris et aider à m’adapter à ce monde, à m’éteindre et me réduire alors que tu débordais d’énergie que les autres ne savaient pas gérer, ne savaient pas comment l’accueillir. Nous avons donc fait comme on nous disait de faire pour être acceptés et bien sûr, pour être aimés. Et puisque je n’avais pas les moyens d’être moi, d’être vrai simplement, alors une grande colère montait et me disait « regarde » : c’est pas « ok » autour de toi , je n’avais pas les moyens de ne pas recevoir l’amour ou quoi que ce soit qui tentait d’y ressembler, j’ai donc fini par imploser pour rester en lien avec les autres, avec le monde. La dépression nous a permis de rester dans ce monde mais nous avons perdu goût à la vie.

Fumer, boire, faire du sexe etc. Tout a été une solution pour nous créer une « bulle » d’existence, avoir un peu de goût, d’intensité, d’évasion, vivre un peu d’appartenance, par fidélité et loyauté à la famille, de toute façon nous étions un problème pour les autres pour les parents et les enseignants alors il fallait bien continuer à le justifier et nous avons adopter cette croyance : Je suis un problème pour les autres…

Je t’en ai voulu de ne pas faire tout ce dont j’avais envie, je me sentais bien illimité mais dans un corps et dans un monde limité. Souvenir encore de l’éternité presque oubliée. Je m’en suis voulu et je suis tellement désolé d’avoir autant insister à t’ignorer, ne pas m’écouter, à chercher l’approbation et l’amour dans des relations qui n’étaient pas les meilleurs pour moi, dans le regard et le contact des autres comme s’il fallait qu’ils m’aiment pour que je puisse m’aimer. Je n’avais pas mesuré que tu m’aimes au point de tout accepter de moi, au point de me laisser t’abuser comme nous avons été abusés par les autres depuis l’enfance et que cet abus s’est même retourné contre nous, comme si nous étions coupable d’avoir été abusés.

Je suis tellement désolé cher corps de cette violence perpétuée envers toi, alors qu’à travers toutes les maladies que nous avons vécu, les entorses, les maux de dos, de dents, la dépression, l’avc, les chutes et les accidents, où nous avons frôlé la mort plusieurs fois, tu cherchais simplement à m’exprimer mon propre dés-accord avec moi-même, ma propre vérité que je n’étais pas à mon écoute et que je me considérais comme un problème comme les autres me voyaient. Tu m’exprimais ainsi les croyances que j’avais, la première étant que je croyais ne pas mériter d’être envie, que j’avais donné le pouvoir aux autres de savoir ce qui était vrai pour moi. Je manquais de moyens et de courage pour être vrai. Vivre ma vérité, faire face et alliance avec mes peurs et avec toi.

Aujourd’hui je ne peux rien te promettre ni te jurer puisque je mesure que ta confiance et moi, en « l’adulte », aux « grands » est très très limitée et je ne te donnerai pas tort de me voir ainsi, la violence dont nous sommes capables sur nous-même et les « petits » justifie ta méfiance. Alors j’aimerai simplement te proposer d’essayer. Petit à petit te montrer que je suis différent aujourd’hui, déjà je te vois, je mesure tout cela et que je ne veux plus te faire de mal. Me faire de mal.

Je ne sais pas comment ni à quel rythme, mais je sais que j’en ai envie. Envie de ne plus me forcer et surtout d’être notre priorité ma priorité pour passer le reste de cette vie avec toi mon fidèle ami. Envie d’être en vie, de nous sentir vivants et bien vivants.

Je tiens à te remercier infiniment et surtout à te féliciter, nous avons survécus. Tu vois que nous avons grandi, nous avons fait beaucoup de choses que nous aimions et que je fais de mon mieux pour suivre ce qui nous mets en joie, ce qui nous fait vibrer. Et oui vivre c’est prendre le risque de mourir. Alors oui je prends des risques et parfois la peur me freine mais nous sommes vivants et nous pouvons avancer et expérimenter ensemble, elle peut se mettre de côté, j’ai reçu le message, je mesure le danger s’il est potentiel et surtout s’il est vrai. Je sais que je peux compter sur toi, sur vous pour ma survis mais ça suffit, aujourd’hui moi seul sait ce qui est vrai, ce qui est bon et ce qui m’apporte de la joie, au-delà de ce que tu crois. Je vis dans l’instant sans chercher à tout contrôler, j’ai laissé les projections et les attentes de côté et je reviens à la réalité de l’instant. Je peux faire des projets mais je suis confiant qu’il se passera ce qu’il se passera et que le meilleur reste à venir car ce qui me faisait souffrir c’était de constater que la vie, ce n’est pas ce que j’en ai décidé.

Aujourd’hui, pour moi, pour nous, je choisis j’avance et je laisse aussi le vivant m’apporter ce que j’ignora qui est bon pour moi, je laisse la vie me guider pas à pas, je sais comment j’ai envie de me sentir mais elle sait mieux que moi comment ce sera bon de la vivre. Je suis vivant Nous sommes vivants et en laissant un peu plus d’espace à cette vie entre mes croyance et le laisser être on peut même se marrer 😉. Alors aide-moi à avoir la foi. Cette foi en plus grand qui nous veut du bien.

Et comme le dit une amie, « au pire, ça peut marcher ».
Je préfère mourir en ayant pris le risque de vivre que vivre en n’ayant pas vécu.

Sinon à quoi me servirait cette vie ???

Jean-François Feigna